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Centre Jean Bodin

Séparés par des virgules

Journalisme et régimes autoritaires Les enjeux d’une information sous contrôle

de 18h00 à 19h30 en amphithéâtre Volney (Rez de Chaussée), Faculté de Droit d'Économie et de Gestion de l'Université d'Angers  aura lieu la conférence de Jean-Christophe BRISARD, Grand-reporter d'investigation


Cette conférence est organisée par le centre Jean BODIN, laboratoire de recherches juridiques et politiques de l'Université d'Angers, sous la direction de Me Antoine BÉGUIN, avocat associé et Maître de conférences à l'Université d'Angers et Mme Bérangère TAXIL,  Professeure de droit public à l’Université d’Angers.

Présentation de la conférence

Collecter des informations, les vérifier puis les communiquer librement restent dans bien des pays impossible et pour le moins dangereux.


Le travail du journaliste d’enquête n’a jamais été une activité de tout repos. Mais depuis quelques années, il s’est considérablement complexifié à mesure que le droit, qu’il soit national ou international, s’est mis à protéger davantage les intérêts économiques et politiques des personnes physiques comme des personnes morales. Mais aussi à mesure que les technologies de renseignements se sont améliorées au point de rendre quasi impossible, au niveau des services de renseignements d’un État, la non circulation d’une information.


Ainsi un reporter ne peut que difficilement dissimuler sa réelle identité (ne pas dire qu’il est journaliste par exemple) ou espérer que l’information qu’il va diffuser ne franchissent pas les frontières et donc puissent mettre en danger ses sources. De cette situation découle une réalité : le journaliste se doit d’être encore plus responsable de ses actes.

Avec la multiplication des canaux d’informations, des plus professionnels comme les médias classiques avec leur déclinaisons internet, aux plus exotiques comme les forums, les tweets et autres supports informatiques quasi instantanés, on pourrait imaginer que jamais l’information n’a été aussi libre.

Et si c’était le contraire ?

Informer sur les dictatures et dans les dictatures n’a certainement jamais été aussi compliqué et périlleux.
Les reporters mis en prison, blessés et même assassinés sont légion.
Et pas uniquement dans les capitales des régimes autoritaires qui pullulent sur la planète.

Comment effectuer son métier de reporter quand, comme c’est le cas au Cameroun par exemple, le simple fait de mentionner un acte de corruption d’une personnalité du régime est immédiatement passible d’une peine de prison ? Peu importe que l’information soit juste ou fausse, la sanction pour le journaliste est immédiate.
Comment oser enquêter en Chine quand on sait que les médias, même privés, sont étroitement contrôlés par les autorités ?
La liste est longue des pays où prétendre être journaliste libre reste une gageure. Dans cette liste ne se trouvent pas que des dictatures mais aussi des régimes démocratiques. A commencer par la France. Les pressions sur les médias et donc sur les journalistes peuvent prendre de multiples visages en France. Voir sur les lanceurs d’alerte.

Au-delà du danger même d’être journaliste local dans un régime autoritaire, comment, quand on est un journaliste occidental, enquêter dans l’un de ces pays ? Il est une chose de prendre des risques pour soi-même, il en est une autre d’en faire prendre aux autres. Ces autres, ce sont ceux qui vont informer le reporter. Ces informateurs peuvent le faire consciemment ou inconsciemment (dans ce dernier cas le journaliste ne se présente pas comme tel ou « vole » via une caméra cachée par exemple un témoignage).

Comment les protéger pendant le reportage et après la diffusion du reportage ? Quelles sont les responsabilités du journaliste ?  Est-ce qu’une information mérite de mettre en danger un informateur ?

Toutes ces questions sont mon quotidien depuis 1995, date à laquelle j’ai débuté ma carrière de reporter. C’était en ex-Yougoslavie dans une zone de guerre où combattaient Bosniaques, Croates et Serbes. J’avais découvert l’existence d’un trafic d’armes de l’Allemagne vers les forces croates. Fallait-il que je sorte l’info alors que je savais qu’elle allait favoriser le camp serbe  et que c’était justement ce camp serbe qui m’avait donné l’info ? Qui manipule qui ? Qui donne l’info ? Pourquoi me la donne-t-on ?

Je vous propose, au travers de mes vingt années de reportages sur les terrains les plus complexes de la planète (Afghanistan, Somalie, Afrique des grands lacs, Sud-Soudan, Pakistan, Chine…) de vous faire part de mon expérience sur les enjeux de l’information en zone sensible et dans les dictatures.

Pour illustrer mes propos, je viendrai avec du matériel photo et vidéo.

Actes vidéos : Journalisme et régimes autoritaires

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